Le Père Jean Marie LE TROQUER nous a quittés : son frère Jacques nous a autorisés à publier le chemin de vie qu’il a lu le jour de sa sépulture. Qu’il en soit remercié.
CHEMIN DE VIE DE JEAN LE TROQUER – 9 septembre 2025 à Langueux
Ce même 9 septembre, mais en 1924, il y a 101 ans jour pour jour, c’est dire l’épaisseur temporelle d’une vie, dans une église de Mayenne, un jeune homme des Côtes du Nord, André Le Troquer, de retour de la guerre au Proche Orient et nouveau professeur dans un collège catholique, épousait une jeune orpheline, originaire de la Mayenne. De cette union naîtront 9 enfants. Jean était le quatrième, né une veille de Noël en 1932 .
Durant l’enfance, c’est ce qu’on m’a raconté, Jean était pour le moins turbulent : fugue, grosses bêtises qu’il commettait le plus souvent avec son frère aîné de 4/5 ans, André ou Dédé. La grande sœur en gardait un souvenir mitigé. Tant et si bien qu’à la fin de la guerre, traumatisme général mais aussi familial puisque la maison avait disparu dans un bombardement en 1944, Jean en 6e est envoyé en pension au petit séminaire d’Evron en Mayenne. Années d’isolement difficile dont il parlait peu .
Il n’a pas 21 ans et il est au grand séminaire de Laval pour ses études de théologie quand son grand frère et complice, jeune prêtre missionnaire, meurt tragiquement au Cameroun ; puis, 18 mois plus tard, notre père disparaît brutalement pendant que Jean effectue son service militaire en Allemagne. Du fait des traditions il se retrouve « soutien de famille ». Il y a encore 5 mineurs. De nombreuses démarches auprès des élus et de l’armée sont effectuées pour lui éviter de partir en Algérie. Alors il devient instructeur au 38e RIT à Laval ; mais ça dure 3 ans. Il fait souvent les 30 kms de Laval à Mayenne en vélo dès qu’il a une petite perme. C’est pour lui une période d’interrogations douloureuses car il avait une inclinaison pour la vie contemplative (et voulait entrer chez les Petits Frères de Foucauld), mais notre mère dont il est très proche le retient des deux mains. Le conflit intérieur a dû être très fort. Jean termine son séminaire à Laval il est ordonné prêtre à la cathédrale mi décembre 1960 .
Il est envoyé par son évêque prof d’anglais au petit séminaire. Drôle d’idée ! En parallèle des études à la Catho d’Angers il est toujours sollicité par la famille. N’empêche qu’il fait de nombreux camps et colos avec les jeunes, dont plusieurs à Erquy à la Fosse Eyrand. Il a besoin d’autres contacts, plus collectifs et commence une très longue période d’action catholique, JOC surtout, ACO, il est en même temps aumonier des équipes enseignantes sur la Mayenne. La cigarette est reine, il fume beaucoup ; mais il assiste sa maman du mieux qu’il peut. Je suppose qu’il y avait de temps en temps pour lui des conflits intérieurs, mais il ne s’en plaignait pas . Il vivait l’Evangile dans le concret du quotidien, pas prêcheur mais très présent.
A partir de 1979 il entre en service à la paroisse Ste Thérèse de Laval, puis il est curé à Ernée. Il marie trois sœurs, deux frères. Revient comme curé à St Jean à Laval et toujours l’action catholique ouvrière, « à la gauche du Christ » comme dit le titre d’un livre.
Notre maman disparaît en 1985. Il est dès lors le tuteur, appui sans faille de notre jeune sœur Marie , infirmière à EDF, et c’est ainsi qu’il emménage à St Brieuc/Langueux avec elle au tournant des 70 ans en 2002/2003. Il se met au service de Mgr Fruchaud ; il est alors aumônier à la prison, délégué à la Pastorale des Migrants ; il accompagne le MCR, une équipe de « vivre l’Evangile aujourd’hui », il visite les Ephads, s’occupe des cathécumènes et rend service aux paroisses de ND de la Baie. Dans les moments de friction et les conflits il ne prenait pas parti d’abord, il écoutait délicatement et accompagnait toujours les personnes, ce qui ne veut pas dire qu’il n’avait pas de convictions personnelles. Homme de contact, en douceur. Après la crise Covid sa santé vacille de plus en plus. Il y a un mois il a la douleur de voir disparaître la sœur qui le suivait dans la lignée.
Pour notre famille Jean, CoJean pour les neveux et nièces, était un frère solide, un oncle plein d’affection d’écoute et de compréhension, jamais moralisateur. Il savait partager nos difficultés, rire et jouer avec les petits, se réjouir des moments heureux . Jean respectait nos diverses attitudes vis à vis de la religion, sans forcer, sa manière d’être suffisait. Il avait dit un jour d’interview dans la presse locale : « nous pensons que notre vie spirituelle est liée à tout homme, elle est une recherche constante pour humaniser notre vie en société. »
Jacques et Zabeth Le Troquer